Huis-clos dans l’atelier de Bernard Garo – Témoignage de confinement

L’atelier est un lieu secret et intime, dans lequel je me sens bien et protégé, c’est justement ce qui me permet d’aller puiser dans le plus profond de moi, toute l’énergie qui m’est nécessaire pour créer et l’offrir en retour avec émotion dans mes œuvres. Ce qui m’intéresse le plus dans le monde, c’est l’invisible qui est au-delà des images ; ce sont autant les vibrations, les mouvements de notre terre, que notre vulnérabilité dans ce monde. À juste titre, c’est un propos qui se trouve confirmé aujourd’hui avec l’apparition du Coronavirus après bien d’autres fléaux qui ont jalonné notre triste histoire humaine. Thématiques que je développe depuis longtemps pour tenter d’amener les regards au-delà des choses et du présent, ce d’autant plus dans nos sociétés contemporaines avec les rythmes de travail infernaux, on ne sait plus voir. C’est justement mon rôle d’artiste que de révéler autrement ces détails oubliés, comme les micros-mouvements, les micros-structures, la matière, la sensualité, l’espace et le temps. Par ailleurs comment mesurer le temps ?

Aujourd’hui tout le monde est confronté à ces paramètres dans un stress ancré dans le présent, alors que pour ma part, comme je viens quotidiennement dans mon atelier, je peux me concentrer plus particulièrement sur l’observation des micros-évolutions de notre environnement en perpétuel mouvement, qui transforment pourtant radicalement le paysage, mais sur une autre temporalité, bien plus large que plus personne ne sait percevoir. Elle nous enseigne pourtant bien plus sur la réalité et notre devenir que bien d’autres théories.

Le huis-clos qui est habituel pour un artiste, permet surtout de poursuivre une démarche picturale et philosophique à long terme, qui amène de la substance et un regard nouveau utile à nos société en plein changement, grâce à sa profondeur de perception et d’analyse, mais aussi, au travers d’un regard permanent et l’exploration pure de la matière et de l’image durant de longs mois, qui contre carre entièrement la superficialité des transmissions au travers des médias sociaux qui tuent l’information et l’intérêt, souvent véhiculés dans la précipitation et sans recul. Cela m’incite plutôt à prendre du recul et à attendre en poursuivant inlassablement ce que je suis en train de faire, en me plongeant d’autant plus dans de profondes réflexions, afin de savoir comment réagir, comment traiter les informations nouvelles, liées à cette crise sanitaire mondiale, sans resurgir trop rapidement, furtivement et superficiellement.

Je pense au contraire qu’il est important de savoir se retenir, c’est pourquoi je profite du confinement pour faire de l’ordre dans l’atelier, pour regarder toutes mes œuvres, en faire l’inventaire et étudier ce que je peux encore chercher de plus profond et amener plus loin ou tirer de ces nouvelles informations, après digestion. 

 

 

L’art peut-être prémonitoire, j’en veux pour preuve ma dernière monographie, éditée Chez Till Schaap en 2017, dans laquelle, j’avais développé une réflexion sur la vulnérabilité de l’homme face à son environnement, pensée qui se trouve aujourd’hui complètement réalisée, mais d’une manière si brutale qu’on en accuse tous le coup, ce d’autant plus que je me trouvais justement dans une période d’ouverture d’une importante exposition dans une grande galerie de Genève, qui a dû malheureusement fermer ses portes simultanément au renvois de mes autres projets en Chine et en Allemagne, ce qui créer d’un coup, des tords financiers et moraux, par rapport au fait que l’art est fait pour être partager, montré, afin de stimuler la pensée. Mais sans être vu, l’artiste devient néant.

Très probablement que cette crise va changer notre monde. Celui-ci ne sera vraisemblablement plus ce qu’il était avant, c’est pourquoi il faut s’y préparer en continuant à créer envers et contre tout, car en effet en raison de cette crise mondiale, je pense que l’art peut renforcer sa place essentielle et universelle, au sein de nos sociétés, comme vecteur d’émergence d’idées nouvelles et d’espoir.

Au-delà de ce virus, notre humanité court à sa ruine, si nous ne réagissons pas tous ensemble solidairement pour repartir d’un bon pied. Aujourd’hui, le personnel soignant que je salue, nous aide à sauver notre humanité. Les artistes sont aussi au front. Dans cet engagement, je vous réserve, en guise de cri d’urgence écologique, une série picturale mais aussi photographique en argentique avec des tirages charbonneux, qui traitent de nos glaciers en train de fondre à cause du réchauffement climatique. Une fois que je pourrai à nouveau quitter mon atelier je poursuivrai ce travail afin de vous le dévoiler l’année prochaine.

Actuellement, je termine un travail sur le temps et j’emmène avec moi partout dans le monde, une stèle en papier, que je photographie jusqu’à sa destruction. Cette démarche est comme une métaphore de ce que nous pouvons éprouver aujourd’hui dans notre confinement. C’est quelque chose d’extraordinaire, car cela nous laisse enfin l’occasion de réfléchir sur nos propres origines et notre finitude, notre propre être et sur ce qui est essentiel dans la vie.

Poursuivons ce voyage ensemble et soutenez l’art !

Bernard Garo

 

The workshop is a secret and intimate place, in which I feel well and protected, it is precisely what allows me to draw from the deepest of myself, all the necessary energy for me to create and offer it in return with emotion in my works. What interests me most in the world is the invisible that is beyond images; it is as much the vibrations, the movements of our earth, as our vulnerability in this world. This is a statement that is rightly confirmed today with the appearance of the Coronavirus after many other scourges that have marked our sad human history. Themes that I have been developing for a long time to try to bring the gaze beyond things and the present, all the more so in our contemporary societies with the rhythms of infernal work, we no longer know how to see. It is precisely my role as an artist to reveal otherwise these forgotten details, such as micros-movements, micros-structures, matter, sensuality, space and time.               Moreover, how to measure time?

Today everyone is confronted with these parameters in a stress anchored in the present, while for my part, as I come daily in my workshop, I can focus more particularly on the observation of microphones changes in our environment in perpetual movement, which nevertheless radically transform the landscape, but on another temporality, much broader than anyone knows how to perceive. Yet it teaches us much more about reality and our future than many other theories.

The closed-door that is usual for an artist, allows above all to pursue a pictorial and philosophical long-term approach, which brings substance and a new look useful to our societies in full change, thanks to its depth of perception and analysis, but also, through a permanent look and the pure exploration of matter and image for long months, which completely counters the superficiality of transmissions through social media that kill information and interest, often conveyed in haste and without hindsight. Rather, it leads me to take a step back and wait for what I am doing all the time, delving deeper into deep thinking about how to react, how to process new information, linked to this global health crisis, without resurfacing too quickly, stealthily and superficially.

I think on the contrary that it is important to know how to hold back, which is why I take advantage of the confinement to make order in the workshop, to watch all my works, inventory it and study what I can still look deeper and take further or draw from this new information, after digestion.

 

 

Art may be premonitory, I want as proof my last monograph, edited by Till Schaap in 2017, in which I had developed a reflection on the vulnerability of man to his environment, thought that is now completely realized, but in such a brutal way that everyone is accused of it, all the more so because I was just in a period of opening of an important exhibition in a large gallery in Geneva, which unfortunately had to close its doors simultaneously to the referrals of my other projects in China and Germany, creating suddenly, financial and moral twists, compared to the fact that art is made to be shared, shown, in order to stimulate thought.    But without being seen, the artist becomes nothing.

Most likely this crisis will change our world. It will probably no longer be what it was before, which is why we must prepare for it by continuing to create against and against everything, because indeed because of this global crisis, I think that art can strengthen its essential and universal place, within our societies, as a vector for the emergence of new ideas and hope.

Beyond this virus, our humanity runs to its ruin, if we do not all react together to start again with a good foot. Today, the caregivers I salute help us to save our humanity. In this commitment, I reserve for you, as an ecological emergency cry, a pictorial but also photographic series in silver with coal prints, which deal with our glaciers melting because of global warming. Once I can leave my workshop again, I will continue this work to reveal it to you next year.

Currently, I am finishing a work on time and taking with me all over the world, a paper stele, which I photograph until its destruction. This approach is like a metaphor for what we can experience today in our confinement. This is something extraordinary, because it finally gives us the opportunity to reflect on our own origins and finitude, our own being and what is essential in life.

Let’s continue this journey together and support art!

Bernard Garo

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